Fureur de vivre a l’ ajaccienne
Fureur de vivre a l’ ajaccienne
Durant les années disco, un groupe de fous du volant compose de casse cous intrépides et de «vitellone» en mal d’action semait la panique et créait l’événement dans les rues d’une cité impériale médusée émergeant a peine de « trente glorieuses » de quiétude et de relative prospérité. La fièvre mécanique, présente dans tout cerveau insulaire, trouvait la un terrain d’expression à la mesure de ses fulgurances et de ses rageuses accélérations d’ adrénaline.
«Rebels without the cause», jeunes gens tout juste sortis de l’adolescence et héritiers des James Dean, Nathalie Wood et Sal Mineo, «la bande du Wagram» symbolise la soif de liberté et la fureur de vivre de toute une génération en mal de repères et de défis ayant vocation a combler son vide existentiel. Trois décennies avant le projet de déroulement d’une spéciale de championnat du monde intra-muros, Ajaccio, son site et son décorum étaient déjà le cadre d’une épreuve de course automobile par la volonté furieuse et pétaradante de sa jeunesse dorée et impulsive emportant tout sur le passage du trop plein de vigueur de sa sève débordante.
Surfant sur la vague universelle de «l’américan way on life» porteuse de toutes les espérances et fille d’une identité îlienne très marquée, cette génération au caractère bien affirmé allait créer une dynamique contagieuse dans laquelle s’entremêleraient l’esprit communautaire, la liesse à fleur de peau, l’esprit de compétition et un art de la mise en scène et de la macagna si typiquement Ajacciens.
Gags, marée chaussée et comédia del arte.
En ces temps bénis de l’insouciance des seventies, nos héros s’appellent François Bassoul, Patrick Altana, Richard Appietto, Gilles Ragache, Bastien Pisano, Antoine Poli dit mesrine, Jean-Michel Richaud ou bien Michel Ciccada, pour n’en citer que quelques uns. Les Renault 5 alpine, Citroën visa, cx, Simca Rally, Nsu, 304, 900 KAWA, 1000 Honda gold wing, expressions techniques de toute une époque, sont les montures démoniaques de ces preux chevaliers de l’apocalypse conquérants de l’impossible.
Ajaccio la frimeuse commence à exposer ses extravagances toutes latines par le biais du cheval débride et chrome de la belle mécanique agressive. La place Diamant et le repaire du «Wagram», cher aux frères Jean Claude et Paul Buresi, fait étalage de gros cubes et sportives surpuissantes comme autant de signes ostentatoires de l’esprit insulaire et monta sega. Ces modèles dernier cri attirent l’œil du touriste et du badaud peu habitues à une telle débauche de luxe et de m’as-tu vus. Dans ce creuset de l’amitié et de l’esbroufe tout est bon pour épater le copain ou séduire la jeune fille que l’on convoite, la palme de l’excellence revenant pour cela à Michel Ciccada, dont les cinq motos, ni plus ni moins, sont alignées en file devant le Wagram.
C’est dans ce contexte exhalant des fragrances d’huile de moteur et de gomme brûlée qu’allait naître spontanément l’idée de joutes et de défis dans les rues tortueuses de la ville. Au départ simple pari entre amis, la chose allait prendre des proportions inimaginables entraînant dans son sillage une grande partie de la jeunesse et de la population. L’idée était simple, sur un itinéraire traversant le cœur de la cité, les concurrents en lice devaient réaliser le meilleur chrono possible en effectuant les figures les plus acrobatiques. Départ devant le Wagram, descente vers le casino qui s’effectuait alors par la traversée de la place Diamant, virages de la citadelle et de la gare comme juges de paix et retour par le Cours Napoléon, la boucle était bouclée.
Après un cérémonial d’ouverture des hostilités lors duquel Jacky Santelli grimé en pape et haut perché sur une 2 CV décapotable bénissait la foule avec un wc en guise de bénitier, les chevaux vapeurs étaient lâchés dans le grand terrain de jeu qu’était devenu la ville. Que d’anecdotes croustillantes, que de frasques mémorables, que de tôles froissées ! La place Diamant se découvrait un maire président en la personne de Michel Ciccada. Par un effet boule de neige, spectateurs et «membres du jury» rajoutaient du piment à la fête, n’est ce pas messieurs Marc Musselli dit Poulardin, Jean Scamppuddu, Tony Pozzo di Borgo, Jean Pierre le chinois, Jean pierre Sollacaro, Titi Gutera, Manu Maisani, Johnny le Suppion, Doudou Milano etc.….Vos noms et vos prouesses sont trop nombreux pour qu’on puisse les citer tous. Ayons une pensée pour le pauvre Zézé Patacchini chauffeur de bus à la mentalité exemplaire et à la bonté infinie, dans l’obligation de patienter jusqu’à la fin des débats pour effectuer sa rotation vers les plages de l’Ariane, fief de Roger Marcucci. Que dire de l’intervention de la marée chaussée qui avait confondu un mouvement de foule autour de la course avec une manifestation d’hostilité envers Mme Giscard d’Estaing, femme du président, qui effectuait alors une visite à Ajaccio ! Lorsque nous trifouillons un peu dans la boite à souvenirs, l’histoire de l’énorme turgescence phallique confectionnée en pain congelé et suspendue entre deux arbres contre laquelle vint buter un bus de la ville relève du Pagnolesque à l’état pur. Batailles d’œuf, tarissement de jet d’eau, affrontement bon enfant avec la force publique, espiègleries en tous germes, il faut se dire aujourd’hui qu’il fallait que jeunesse se fasse. Thomas Casalonga, Laurent Lucchesi, Dumé Leonzi, Angeot Peroni, Marius Brescia, Antoine Rossini, Sebastien De Gentilli, Jacky Colombani… longue suite sans fin de farces et attrapes, les années ont passé mais le bitumeux épiderme violenté du pavé Ajaccien se souvient. Si seulement vieillesse pouvait encore !